COP 26 : déclaration de la Présidente de la Commission européenne

Bonjour,

Nous sommes effectivement à l’aube de deux sommets très importants: comme vous le savez, le sommet du G20 à Rome ce week-end puis, parallèlement, la COP26. Je souhaiterais vous faire part de la façon dont nous appréhendons l’évolution de ces deux sommets et de la position qui y sera la nôtre. Je commencerai donc par le G20. Le G20 réunit les 20 économies les plus grandes et les plus avancées au monde. De manière générale, nous aurons une vue panoramique de l’état du monde, mais je tiens à privilégier les trois grands sujets sur lesquels porteront la majeure partie des débats. Il s’agit de la pandémie ou, plutôt de la façon d’y mettre fin; de la question de la reprise économique mondiale; et de celle du changement climatique.

En premier lieu, sur le front de la pandémie: ici, selon moi, le principal résultat attendu au début, pour bien baliser le terrain, est que le G20 s’engage à atteindre l’objectif que nous nous sommes fixé, à savoir que 70 % de la population mondiale soit totalement vaccinée d’ici au milieu de l’année prochaine. C’est un objectif ambitieux, mais nous le soutenons pleinement. Si vous regardez du côté de l’Union européenne, ce qu’est notre contribution, nous avons exporté, sur les 11 derniers mois, plus d’1,2 milliard de doses de vaccin vers 150 pays et nous avons fourni près de 880 millions de doses à la population européenne. Nous avons donc tenu la promesse qu’au moins une dose sur 2 produites dans l’Union européenne soit expédiée à l’étranger. Ces chiffres sont même supérieurs si vous considérez les 1,2 milliard de doses exportées et les 880 millions doses livrées à la population européenne. Et nous poursuivrons ces exportations.

Pour ce qui est de l’année prochaine, nous prévoyons la production de plus de 3,5 milliards de doses dans l’Union européenne. Il va de soi qu’une majorité de ces doses seront expédiées à l’étranger. Outre ces exportations, nous, en tant qu’Union européenne, en tant qu’Équipe Europe – la Commission européenne et les États membres – ferons don de plus de 500 millions de doses de vaccin d’ici au milieu de l’année prochaine. J’attends davantage d’engagements de la part des États membres. J’ai également conscience des difficultés qu’ils ont rencontrées pour la livraison des doses promises. Nous nous efforçons d’y remédier en collaboration avec eux et, évidemment, avec les producteurs de vaccins afin d’accélérer les livraisons. Voilà le premier point: vaccins, exportations, dons.

Vient ensuite mon deuxième point, qui sous-tend notre objectif de vouloir mieux vacciner la population mondiale; il porte sur le moyen et le long terme. Les dirigeants du G20 appelleront à un renforcement des capacités de production des pays en développement, et ici, l’accent est mis sur la technologie à ARN messager. Comme vous le savez, c’est un projet qui me tient beaucoup à cœur. C’est précisément dans ce but que l’Europe investit plus d’un milliard d’euros en Afrique. Notre objectif commun est de réellement implanter la technologie à ARN messager sur le continent africain de façon à ce qu’elle soit produite sur place.

Pour ce faire, avec nos partenaires africains, nous faisons travailler ensemble les entreprises pharmaceutiques, bien sûr, mais aussi des fondations et des acteurs du secteur privé. Nous œuvrons actuellement à la mise en place d’un environnement réglementaire favorable avec le Centre africain pour le contrôle et la prévention des maladies, à la création d’une Agence africaine des médicaments, et nous collaborons évidemment avec des institutions financières, comme la Banque européenne d’investissement. À ce jour, nous avons bien progressé avec le Sénégal, le Rwanda et l’Afrique du Sud. D’ailleurs, je crois que c’était il y a deux jours que BioNTech a signé un accord avec le Rwanda et le Sénégal. Les choses progressent donc de manière assez remarquable. Et nous envisageons à présent d’établir une telle coopération avec d’autres pays africains comme le Ghana, l’Égypte, le Maroc, le Nigeria ou le Kenya. Rien de tout cela ne concerne le très court terme, il s’agit davantage de moyen et de long terme. Mais je soutiens pleinement l’objectif des pays africains de devenir plus indépendants dans la production de leurs propres vaccins. À ce jour, la situation est la suivante: sur tous les vaccins administrés en Afrique – je parle non seulement du vaccin contre la COVID-19, mais aussi d’autres vaccins –, seuls 1 % sont produits en Afrique, 99 % sont importés. L’objectif – que l’Afrique se fixe – est de faire en sorte qu’en 2040, 60 % des vaccins administrés en Afrique aient été également produits sur ce continent. Et je pense que c’est faisable.

Outre les vaccins, le second point sur la santé que j’aborderai au sommet du G20 concerne la préparation aux pandémies. Comme vous le savez, nous avons pris d’importants engagements en mai dernier, lors du sommet mondial sur la santé. Ce dont nous avons besoin, c’est d’une OMS forte pour mieux préparer le monde à l’éventualité d’une prochaine pandémie. Nous devons passer de nos réponses ad hoc actuelles à des réponses plus structurelles, conçues pour durer. Les dirigeants doivent y prêter attention. C’est pourquoi un aspect important est de combler le fossé qui existe entre les sphères de la santé et de la finance. Il s’agit, au sein du G20, de réunir les ministres des finances et ceux de la santé. Et bien entendu, il faut des financements adéquats, afin de soutenir cette structure par les fonds nécessaires, pour que nous puissions mieux préparer le monde aux futures menaces sanitaires transfrontières, et surtout afin de renforcer les systèmes de soins de santé qui n’ont pas fait preuve d’une résilience suffisante au cours de cette pandémie. Je dois bien le dire: les négociations n’en sont pas encore là au sein du G20. Nous ne sommes pas tous d’accord sur la manière d’y parvenir. Mais j’espère que, forts de l’expérience de la pandémie que nous possédons à présent, nous parviendrons à un accord. Voilà pour ce qui est de la partie sur la santé dont il sera question au G20.

Le deuxième sujet que nous discuterons à Rome sera la reprise mondiale. Puisque les dirigeants des plus grandes économies seront assis autour de la même table, ce sera également l’occasion de débattre de la manière dont nous pouvons garantir une solide reprise économique. Nous discuterons également des difficultés rencontrées par les chaînes d’approvisionnement de l’économie mondiale face à l’augmentation rapide de la demande. Je pense que nous discuterons en outre de la manière dont les prix élevés de l’énergie, s’ils se maintiennent, pourraient menacer la reprise économique mondiale, ainsi que des mesures qui pourraient être prises.

Et enfin, toujours au sujet de la reprise, il n’y a pas de meilleur lieu que le G20 pour discuter du taux d’imposition minimal à l’échelle mondiale. À l’heure de réparer nos économies et d’investir dans la reprise, nous veillerons à l’équité, parce que nous le devons. C’est exactement le but de l’accord fiscal mondial que nous avons trouvé. Le G20 va convenir d’une réforme fiscale à l’échelle mondiale. Je crois que c’est un moment historique. Il s’agira ensuite de le mettre en œuvre. Nous sommes déterminés à le mettre en œuvre rapidement. Du côté de l’UE, nous comptons déjà faire une proposition d’application du taux d’imposition effectif minimal avant la fin de cette année. Nous escomptons que le système soit en place sur le plan mondial d’ici à 2022.

Le troisième point sur lequel le G20 va se concentrer sera le changement climatique. Comme je l’ai dit, les dirigeants des 20 plus grandes économies seront assis à la même table. Ces 20 plus grandes économies génèrent 80 % des émissions mondiales. Nous avons donc une responsabilité particulière d’agir. D’une manière ou d’une autre, les engagements qui seront pris à Rome sur la question du changement climatique seront bien sûr aussi déterminants pour la COP26. C’est d’abord de leadership que nous avons besoin. Nous avons besoin de leadership pour que soient pris des engagements de décarbonation crédibles qui nous permettent d’atteindre l’objectif de zéro émission nette d’ici à la moitié de ce siècle, mais nous avons aussi besoin d’engagements suffisants pour réduire réellement les émissions au cours de cette décennie. La science ne laisse aucun doute. La science nous dit qu’il y a urgence. Nous ne sommes pas encore sur la bonne voie. Le changement climatique est d’origine humaine. Et c’est justement parce qu’il est d’origine humaine que nous pouvons y faire quelque chose. Mais nous devons agir, nous devons faire mieux. Ce n’est qu’ainsi que l’objectif de limiter le réchauffement planétaire à 1,5 degré Celsius pourra rester à notre portée.

La seconde question importante – non seulement au G20 mais aussi lors de la COP26 – sera le financement de l’action climatique. Comme vous le savez, nous avons promis de fournir chaque année 100 milliards de dollars aux pays les moins avancés et les plus vulnérables pour l’atténuation du changement climatique et l’adaptation au changement climatique. Et nous devons tenir parole. Les statistiques montrent des évolutions encourageantes. Selon le dernier rapport des gouvernements allemand et canadien, nous dépasserons cet objectif de 100 milliards de dollars en 2023. Nous progressons donc, mais je pense que nous devons redoubler d’effort. Nous devrions nous efforcer de fournir les 100 milliards de dollars dès l’année prochaine. L’objectif est presque atteint, et je pense que nous devrions tout mettre en œuvre pour y parvenir. Comme vous le savez, l’Union européenne et ses États membres sont déjà les principaux financeurs de la lutte contre le changement climatique, à laquelle ils consacrent plus de 25 milliards de dollars par an. J’escompte que ce chiffre sera revu à la hausse dans les prochains jours. En outre, j’ai pris l’engagement d’un apport complémentaire de 5 milliards de dollars d’ici à 2027, et j’espère que d’autres aussi reverront leur ambition à la hausse.

Cela m’amène enfin directement à la COP26. De fait, la COP26 repose principalement sur trois piliers. Le premier pilier, c’est notre ambition. La grande question est donc: nos engagements à réduire les émissions sont-ils suffisants pour véritablement nous permettre de maintenir le réchauffement bien en dessous de 2 degrés Celsius, et proche de 1,5 degré Celsius? Le dernier rapport des Nations unies sur l’écart entre les besoins et les perspectives en matière de réduction des émissions nous montre qu’actuellement, les CDN ne permettent pas d’atteindre les objectifs de l’accord de Paris, et que nous sommes donc toujours sur la voie très dangereuse d’un réchauffement climatique supérieur à 2 °Celsius. C’est inquiétant, et nous devons faire mieux. Le deuxième pilier concerne le financement de l’action climatique – je viens juste de le mentionner. Et le troisième pilier concerne les règles applicables aux marchés internationaux du carbone.

Nous devons progresser sur ces trois fronts, principalement lors de la COP26: il s’agit de l’ambition de réduire davantage les émissions, dès maintenant; il s’agit du financement de la lutte contre le changement climatique, au profit des pays les moins avancés et les plus vulnérables; et il s’agit de l’achèvement du corpus réglementaire. J’attends des négociateurs qu’ils fassent leur maximum pour que nous avancions réellement sur ces trois fronts.

Tournons-nous maintenant vers l’Europe: l’Europe est en bonne voie de devenir le premier continent climatiquement neutre d’ici à 2050. De nouveaux chiffrent montrent quelque chose d’intéressant: nous avons déjà réduit nos émissions de plus de 31 % par rapport à 1990, tout en connaissant une croissance de notre économie de 60 %. Je pense que c’est un message encourageant qui montre que réduction des émissions et prospérité peuvent aller de pair, que l’on peut réduire les émissions de gaz à effet de serre, produire de manière plus propre, plus saine et plus durable tout en développant l’économie. C’est exactement ce que nous devons montrer au monde et ce que nous devons montrer à nos populations. Nos citoyens attendent de nous que nous progressions à cet égard.

Il est bon de voir que de nombreux autres pays se sont engagés à ramener leurs émissions nettes à zéro d’ici à 2050. Mais ce dont nous avons besoin à présent, ce n’est pas seulement d’objectifs; nous avons aussi besoin de plans très concrets et d’actions immédiates sur le terrain pour montrer réellement en détail comment nous allons faire pour atteindre ces objectifs au cours de cette décennie. Plus nous tarderons, plus ça coûtera cher. C’est donc maintenant que nous devons agir.

Enfin, comme toujours, nous allons lancer plusieurs nouvelles actions à la COP26. Avec le président Biden, je vais lancer l’engagement mondial en faveur de la réduction des émissions de méthane. Avec cette initiative, nous nous engageons à réduire les émissions de méthane d’au moins 30 pour cent d’ici à 2030. Si vous regardez les émissions de gaz à effet de serre, le méthane est le levier sur lequel il est le plus facile d’agir. Son pouvoir de réchauffement est 80 fois plus important que celui du CO2 ; il est donc urgent d’agir et nous pouvons faire beaucoup. Je me réjouis donc que 60 pays nous aient rejoints jusqu’à présent. Bien évidemment, nous encourageons d’autres pays à se rallier à cette ambition.

La deuxième initiative que je vais annoncer est une contribution financière d’un milliard d’euros à l’engagement mondial en faveur des forêts. Elle inclut 250 millions d’euros en faveur du bassin du Congo. Vous savez que la protection des forêts du monde entier constitue une priorité pour l’Union européenne. Les forêts sont nos meilleures alliées dans la lutte contre le changement climatique; nous devons donc réellement les protéger.

La troisième initiative que nous allons lancer concerne l’innovation. L’innovation est essentielle pour lutter contre le changement climatique et progresser sur la voie d’une économie circulaire caractérisée par des procédures de production propre et une consommation plus durable. Les technologies de demain seront donc la clé pour contribuer à réduire les émissions. Nous voulons démontrer – et c’est le cœur de cette initiative – que les investissements dans les innovations écologiques sont payants. C’est pourquoi à Glasgow, je vais lancer un partenariat, avec Bill Gates et son programme «Catalyst» de Breakthrough Energy. Nous unissons nos forces ici. L’objectif est de prouver que, si nous sommes dotés d’une innovation radicale, bien sûr au tout début, c’est un peu plus cher. Mais si nous lançons cette prime verte, nous aidons cette innovation à être mise au point plus rapidement, à être commercialisable et à se développer à plus grande échelle sur les marchés, comme par exemple l’innovation dans l’hydrogène propre, les carburants durables pour l’aviation, le stockage du carbone, le piégeage du dioxyde de carbone et le stockage de l’énergie – pour ne citer que les quatre domaines dans lesquels nous investirons.

Dernier point et non des moindres, la quatrième initiative que nous lancerons vraisemblablement – nous y travaillons encore – consiste à rassembler les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Allemagne, la France, et l’Union européenne pour lancer avec l’Afrique du Sud un partenariat pour une transition énergétique juste. L’idée est que les pays aident l’Afrique du Sud à abandonner progressivement et plus vite le charbon et à passer plus tôt et plus vite aux énergies renouvelables. Nous y travaillons encore mais je suis sûre que nous allons lancer cette nouvelle proposition; ce partenariat pourrait ensuite devenir un modèle du soutien aux transitions justes dans le monde entier, avec des pays qui parrainent et des pays qui doivent avancer plus vite dans la transition juste.

Les points étaient nombreux. Je suis désolée pour cette intervention assez longue mais les quatre jours qui nous attendent sont importants. »

Source : Représentation en France de la Commission européenne